Le lierre
- La rédaction
- 27 juin
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Dernière mise à jour : 28 juin
Samedi dernier, le 21 juin, c’était le premier jour de l’été. La canicule étouffait déjà le midi de la France. J’étais en balade dans le sud-ouest, sur les hauteurs d’un petit village des Hautes Pyrénées, dans la montée vers le col d’Aubisque. L’air était transparent, les buses se laissaient porter sans bouger les ailes. Au sol, de pitoyables cyclistes en collants multicolores piochaient dans la montée. Je m’éloignais de la route, au fond du village d’Arras, vers l’église qui domine toute la vallée.

Juste derrière, une maison et un jardin, et ce crucifix mangé par le lierre. Deux énormes poutres qui forment une croix haute et robuste. Un christ blanchâtre, assez grossier, étouffé par les lianes qui lui font comme un boléro sauvage. Personne ne songe à le libérer.
Depuis quelques jours, le journal L’Indépendant publie une longue enquête très documentée sur les communautés traditionnalistes de l’Aude, Fanjeaux et Lagrasse, et les casseroles qu’elles trimbalent. À Lagrasse, on connait les agressions sexuelles du premier père abbé de la communauté des chanoines, Wladimir de Saint Jean, jugé en catimini par ses pairs qui ont toujours refusé, l’évêque de Carcassonne en tête, de communiquer ces faits à la justice. Il a fallu attendre juin 2023 pour que le parquet de Narbonne et celui de Carcassonne signent une convention avec l’évêché, qui s’engage à transmettre aux autorités judiciaires les faits d’abus et de violences sexuelles dont il aurait à connaître. Le contraire de ce qu’il a fait jusque-là, et particulièrement dans l’affaire de Lagrasse. Le problème, c’est que la convention souligne aussi que dans certains cas, en particulier lorsque la révélation des faits a lieu lors d’une confession ou d’une conversation pastorale, l’autorité diocésaine n’est pas obligée d’effectuer ces signalements. Un bel exercice de tartuferie !
Toujours dans L’Indépendant, l’évêque de Carcassonne revient sur le silence des chanoines de Lagrasse. « Ils sont encore en train de faire un travail d’analyse de leur histoire, ils sont sur le point de mettre en place une commission d’historiens indépendants pour mieux comprendre encore par où ils sont passés… »
On est contents d’apprendre que vingt ans après, les chanoines vont s’en remettre à une commission d’historiens. Ça sent la méthode Bayrou à plein nez. Ils auront au moins appris ça de leur installation à Pau.
Le soleil brûle encore les jambes blanches du Christ d’Arras. On reste longtemps devant cette image de défaite qui, paradoxalement, parait plus juste que tous les calvaires du monde apprêtés par des cantonniers consciencieux.
Jean-Michel Mariou





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